Sous le ciel du Pirée

2ème jour à Athènes. Je devais commencer à travailler dans un foyer pour femmes et mineurs non-accompagnés mais un imprévu fera que cela sera finalement pour la semaine prochaine.

Je me rends par conséquent au port du Pirée qui a été pendant longtemps au cœur de l’attention médiatique, avant que plusieurs milliers de migrants et réfugiés ne soient transférés dans des centres d’accueil à travers la Grèce. Environ 1’500 hommes, femmes et enfants y sont toutefois encore présents. Je décide donc d’y aller afin de pouvoir constater par moi-même la situation sur place.

Port du Pirée

Port du Pirée

Port du Pirée

L’attente à ciel ouvert

1ère impression en arrivant : il y règne un calme olympien. Je dois avouer que je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre en y allant mais je crois que j’imaginais davantage de remue-ménage.

Appareil photo autour du cou, je commence donc à arpenter les quais et suis très rapidement rattrapée par une volontaire qui me demande de décliner mon identité et si j’ai l’autorisation de prendre des photos. Elle se montre d’abord très méfiante et se détend peu à peu quand je lui explique le projet que je fais « pour un magazine suisse qui s’appelle l’Hebdo ». L’examen de passage terminé, je peux reprendre ma route.

Autour de moi : des tentes, beaucoup de tentes, et des toilettes. Des toilettes, mais pas de douches. Uniquement quelques points d’eau froide où faire une toilette sommaire* (voir note à la fin de l’article)Et au milieu, des femmes, des hommes et enfants qui marchent ou discutent. 

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Port du Pirée

Port du Pirée

J’arrive ensuite au « centre » du camp, là où sont regroupées les différentes structures grecques et internationales qui prodiguent les soins de base, assurent un soutien psychologique, donnent des conseils légaux (pour les aider à déposer une demande d’asile par exemple) et organisent des activités pour occuper les enfants.

J’échange quelques mots avec l’une des psychologues qui me confie que, le camp du port du Pirée n’étant pas une structure officielle, les volontaires manquent parfois de soutien et ce, malgré un fort élan de solidarité internationale.

Port du Pirée

Port du Pirée

Port du Pirée

Port du Pirée

Partir pour s’aimer

Après avoir fait le tour, je m’apprête à m’en aller quand une femme afghane, Hassma, s’approche de moi en souriant. 5 minutes de langage des signes plus tard, elle m’invite à rencontrer son fils qui parle anglais. Je la suis et me retrouve sous ce qu’ils appellent le « ciel noir », le plafond de l’énorme hangar dans lequel est entassée la tente de la famille, parmi des centaines d’autres. C’est là que je rencontre Abdulla (17 ans) et son amie Darina (16 ans) qui me racontent qu’ils sont amoureux et qu’ils aimeraient se marier. Seulement voilà, la famille de la jeune fille y est totalement opposée et projette de tuer Abdulla et les siens (je n’aurai pas davantage de détails sur les circonstances exactes). Alors c’est l’exil.

Port du Pirée

À côté de lui, Emal qui s’est joint à la discussion et qui est lui aussi afghan. Son frère a été décapité par les Talibans et le prochain sur la liste, c’était lui. Il me dit également qu’il ne veut en aucun cas rester en Grèce et qu’il aimerait aller en Allemagne. Le problème est qu’il est seul et qu’il n’a aucun parent proche dans ce pays, ce qui lui permettrait de demander le regroupement familial. Le seul choix qui s’offre à lui est donc de déposer une demande d’asile en Grèce pour y rester ou alors d’être renvoyé vers la Turquie. Désespéré et au bout du rouleau, c’est une option inconcevable pour lui. Il ira en Allemagne coûte que coûte à la recherche d’une vie meilleure, quitte à faire appel une nouvelle fois à un passeur.

Port du Pirée

Abdulla & Emal 

Emal termine son récit et plante son regard dans le mien. Quand on vous fait part de tout ça, il est difficile de répondre quelque chose sans que cela ne sonne creux. Alors je les regarde, lui et Abdulla, et essaie de trouver les mots. J’aimerais leur dire que la situation va bientôt se débloquer et qu’ils pourront rapidement s’en aller pour construire la vie dont ils rêvent ailleurs. La vérité, c’est que je n’en sais absolument rien et que je me sens totalement impuissante. Alors je me dis que la meilleure chose que je puisse faire, c’est écrire pour raconter leur histoire.

Port du Pirée

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Photos: © Nina.S

*J’ai depuis été informée que 3 containers (avec chacun 4 douches à l’intérieur) ont récemment été mis en place.

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5 Commentaires

  1. Didi
    15 juillet 2016 / 11 h 40 min

    Belle article Nana, bravo!
    Bonne chance pour la suite.
    Becs

    • Nana s'en va
      Auteur
      16 juillet 2016 / 16 h 55 min

      Merci beaucoup 🙂

  2. Didi
    15 juillet 2016 / 11 h 42 min

    Bel*

  3. 19 juillet 2016 / 22 h 13 min

    Très touchant… merci pour ce partage!

    • Nana s'en va
      Auteur
      20 juillet 2016 / 10 h 32 min

      Merci à toi 🙂